Carrière au Maroc : Recruter les jeunes diplômés

Les recruteurs feront plus attention aux qualités personnelles qu'aux diplômes

L’entreprise, l’État et les jeunes eux-mêmes ont un rôle à jouer pour développer les compétences de ce vivier

Le recrutement des jeunes fraîchement diplômés n’est pas très prisé par les entreprises, sauf pour les profils les plus pointus. Dans ce cas, les recruteurs n’attendent pas que ces diplômés soient sur le marché pour les attirer, mais ils vont les chercher dans leurs écoles et universités. C’est le cas des ingénieurs et des profils qui peuvent se convertir facilement en commerciaux.

Toutefois, les jeunes n’ont pas tous eu cette chance car, faute de bonne orientation au départ ou de bonnes notes, une grande majorité n’ont pas choisi les branches formant les candidats les plus recherchés. Ceci remet en cause, certes, l’orientation dès le bac, mais pas uniquement.

Les parents et les jeunes eux-mêmes ont leur part de responsabilité, car un travail en amont doit être fait pour préparer les futurs cadres à assumer de nouvelles responsabilités. D’après notre consultant, Essaid Bellal, directeur général du Cabinet Diorh, «les jeunes doivent commencer à se préparer une fois qu’ils ont leur bac, et ce en réservant une partie de leur temps à des activités extrascolaires qui les forment en dehors des entreprises : prendre des cours d’anglais, aider les sociétés à but non lucratif et à vocation sociale». Il ajoute que : «aux États-Unis, ces activités parascolaires font partie des critères pour choisir le meilleur candidat».

Moncef, un jeune Marocain étudiant en France dans une école d’ingénieurs : «Il faut multiplier les stages et rechercher les bonnes expériences pour maximiser les chances d’être recruté. D’ailleurs, dans notre école, le major de la promotion a raté un recrutement car il y avait un autre candidat ayant le même diplôme que lui, avec des notes moins bonnes, mais qui a effectué beaucoup de stages durant les années d’études».

Certes, une bonne préparation en amont est importante, vu le contexte actuel, mais les entreprises doivent également de leur côté donner une chance à ces jeunes en herbe pour qu’il puisse aiguiser leurs armes et acquérir de l’expérience. Nous savons tous que les Marocains ont tendance à vouloir travailler dans le secteur public, mais il faut tenir compte du fait que le secteur privé offre plus de chances, avec des niveaux de rémunération plus importants et plus d’opportunités d’évolution de carrière.
Les entreprises font de plus en plus d’efforts en prenant part aux «job fairs» organisés par les écoles nationales, mais le quota réservé aux jeunes diplômés reste insuffisant. Les dirigeants doivent faire un peu plus d’efforts pour accompagner le développement des compétences de ces jeunes cadres qui seront les décideurs de demain.

Les recruteurs feront plus attention aux qualités personnelles qu’aux diplômes

Avis de l’expert • Essaid Bellal, directeur général du Cabinet Diorh

Compte tenu de votre connaissance du marché de l’emploi, où en est le recrutement des jeunes diplômés, sachant que nos entreprises préfèrent les cadres plus expérimentés ?

La tendance est un peu plus complexe que pour les expérimentés. En fait, l’entreprise doit être plus à l’écoute des ces jeunes diplômés car c’est eux le futur. Et si l’entreprise ne les forme pas alors qui va le faire, pour retrouver sur le marché de profils expérimentés ou avec une première expérience ? Il faut que l’entreprise leur ouvre ses portes et réserve un quota pour ces jeunes qui veulent avoir une première expérience.
Les jeunes diplômés, eux, doivent, en premier, multiplier les stages pour mieux connaître l’entreprise, mieux l’appréhender et se sentir plus à l’aise lors du premier emploi réel.
Le deuxième conseil que je leur donne toujours : il ne faut pas qu’ils pensent à ce qu’ils vont gagner en termes de salaires, car le plus important c’est de savoir ce qu’ils vont apprendre. Et ce n’est qu’après deux, trois ou quatre ans qu’ils pourront prétendre à plus en fonction de leurs compétences, du marché et de la rareté ou non de leur profil.
Il y a, également, l’État à travers le système éducatif qui doit s’ouvrir davantage. Il y a des efforts qui ont été faits, mais ce n’est pas suffisant, des chantiers restent à entamer : ouvrir notre enseignement supérieur sur l’environnement, mettre à la disposition des jeunes des bibliothèques et des SI, intégrer la lecture et la recherche en tant qu’éléments obligatoires, noter non pas l’apprentissage, mais la compréhension, l’esprit de synthèse, d’analyse et de recherche, former davantage les enseignants du primaire et du secondaire et leur permettre d’accéder aux SI et à la recherche, etc. In fine, le système Le système éducatif, malgré les efforts déployés, reste encore défaillant.

Quels sont les profils les plus recherchés et quelles sont les formations les plus demandées ?

Les ingénieurs, des grandes écoles marocaines ou étrangères, sont vite recrutés et n’attendent généralement pas beaucoup sur le marché, à conditions qu’ils aient des formations solides. Sont également recherchés des candidats qui ont un bac plus 4 ou plus 5 et qui ont la capacité de savoir se vendre, ce sont donc les bons commerciaux qui sont recrutés facilement. Par ailleurs, aujourd’hui, la communication et la capacité à développer un réseau aide énormément ces personnes à se placer facilement, il suffit de savoir parler et analyser. Ainsi, à diplômes égaux, les candidats qui maîtrisent une langue en plus, l’anglais ou l’espagnol, ont un plus réel et sont mieux payés que les autres. Le Maroc étant un État de droit, les bons juristes sont très recherchés. Il y a une pénurie de ce type de profils.

Certes, nous avons des diplômés en droit, mais ce n’est pas uniquement ce qui est demandé par l’entreprise, c’est plutôt, la capacité d’analyse, la maîtrise des langues, etc. Quant aux fonctions liées à la finance, l’engouement est toujours le même. La fonction RH, de plus en plus diversifiée, a toujours la cote. Sont donc recherchés les DRH, les responsables de recrutement et d’intégration, les responsables de formation, les responsables de développement des compétences, les responsables communication interne, les responsable de rémunération… Ces profils sont de plus en plus demandés et se développent énormément, le Maroc étant démocratisé, et puis la jeunesse est demandeuse de plus de formation au sein de l’entreprise et de plus de suivi. Il y a également les postes liés à l’audit et au contrôle de gestion qui sont appelés à se développer. Quant à ceux relatifs aux systèmes d’information, il y aura toujours un besoin, mais pas autant qu’avant, plutôt à un rythme normal. Toutefois, les recruteurs feront plus attention aux qualités personnelles qu’aux diplômes.

Que conseillez-vous aux jeunes diplômés pour bâtir une belle carrière ?

Il faut intégrer la recherche de l’emploi dans le cursus universitaire. Il ne faut pas attendre d’avoir un diplôme en main pour commencer à réfléchir au métier à rechercher. La recherche de l’emploi commence dès l’obtention du bac, il faut se préparer à cela, à travers des stages, mais aussi par le biais de l’adhésion à des associations, en développant un réseau, en apprenant à prendre des initiatives, en assumant une certaine responsabilité, en découvrant de nouvelles choses, en créant des choses à travers Internet… Aujourd’hui que le Maroc s’ouvre, il faut permettre à ces jeunes de se démarquer par rapport aux autres et de trouver un emploi plus facilement grâce à leurs spécificités et qualités particulières.

Par Nadia DREF | LE MATIN

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