L’image de cette filière est tellement terne que la demande sur les formations BTP reste faible
Mal aimé, le secteur du BTP n’attire pas les jeunes, surtout les citadins. En effet, l’image de cette filière est tellement terne auprès des bacheliers et des étudiants que ces derniers pensent rarement à y faire carrière. C’est un constat. Toutefois, ces jeunes ont tort, le secteur du BTP est en pleine mutation et les besoins exprimés par les entreprises y opérant sont énormes.
D’ailleurs, de plus en plus de sociétés cherchent des ressources humaines qualifiées, voire même certains profils pointus qui sont rares sur le marché.
Aussi, une grande pression est ressentie sur le marché de l’emploi. Actuellement, il y a une grande demande concernant les ouvriers spécialisés, notamment les maçons polyvalents, les carreleurs, les coffreurs, les peintres, etc.
Notons aussi que d’autres profils pointus, notamment les techniciens spécialisés, chefs de chantiers, conducteurs d’engins, chefs d’équipes…, sont très recherchés. Il y a également un grand intérêt pour les métiers de l’hygiène-sécurité ou l’efficacité énergétique dans le BTP.
Malgré cet engouement pour ce type de profils, les jeunes Marocains boudent encore ce secteur et, par ricochet, ne suivent pas des formations spécialisées, sauf si c’est en cas de dernier recours. D’ailleurs, les établissements de l’Office de la formation professionnelle et de la promotion du travail dédiés au BTP ne connaissent pas le même rush enregistré sur d’autres filières, alors que la formation, adaptée aux besoins des professionnels, est très variée. A lui seul, l’OFPPT compte un réseau de 150 établissements dédies au BTP dont 18 sectoriels ou à dominance BTP offrant 47.600 places. Et ce n’est pas fini, plusieurs villes abriteront de nouveaux instituts spécialisés, notamment Casablanca, Settat, Errachidia, Tétouan, Tamesna…
De plus, l’Office a mis en place un Centre de développement des compétences–BTP pour assurer la »veille technologique », développer l’ingénierie des filières et le perfectionnement des formateurs. Du côté des écoles privées, l’offre de formation en BTP est minime.
Notons, toutefois, que le Bâtiment et travaux publics est un secteur qui connaît un grand essor et regorge d’opportunités et de potentialités, d’autant plus que le Royaume est en pleins chantiers : grands projets structurants d’infrastructures, logements sociaux, immobilier professionnel, plateformes logistiques… Selon les résultats de l’étude RH à l’horizon 2012, établis par métiers et par régions, le Maroc devra former 170.000 personnes, tous corps confondus (cadres supérieurs, ingénieurs, cadres, techniciens, ouvriers qualifiés et spécialisés…).
D’après, Chems Doha Grana, DRH d’ »AR Corporation », groupe marocain opérant dans les façades: «Le BTP est un secteur très large et diversifié où les métiers sont aussi très variés et en perpétuelle évolution». Et d’ajouter : «La spécialisation devient une nécessité. Les profils que nous avons du mal à trouver ce sont ceux qui accompagnent le développement du marché qui est très évolutif et de plus en plus exigeant et qui répondent à la demande des entreprises au niveau de la qualification et qui sont immédiatement opérationnels».
Finalement, nos jeunes devront penser deux fois avant de tourner le dos à un secteur très porteur qu’est le BTP.
« Il y a un besoin dans toutes les spécialités »
Avis d’experte • Chems Doha Grana
À votre avis, la formation disponible actuellement répond-elle aux besoins réels des entreprises (adéquation formation-emploi) ?
Cette question figure parmi les grands classiques au Maroc. Elle revient dans les conférences, les forums d’étudiants, les ateliers de travail avec les décideurs… et à chaque fois la réponse est non. Quel est le problème? Cette notion d’adéquation Formation-emploi date au moins du début des années 90 et a été renforcée par la création de l’ANAPEC, le changement dans la cartographie des emplois de l’OFPPT et, un peu plus tard, par la fameuse procédure des CSF.
Beaucoup d’efforts ont été accomplis, que ce soit par les institutions de la formation professionnelle, les universités, les écoles, les fédérations et associations professionnelles, par les entreprises elles-mêmes afin de résoudre cette problématique, mais le résultat reste insuffisant.
Personnellement, je reste convaincue, premièrement, par la nécessité de revoir le système éducatif (formation initiale) dans sa globalité et en profondeur afin de privilégier la qualité au détriment de la quantité et, deuxièmement, de mettre à disposition des entreprises des mécanismes variés pour la formation continue plus réalisables et efficaces.
Quels sont les métiers d’avenir au niveau du BTP ?
Le Maroc n’est pas en marge par rapport au développement que connaît le monde en ce moment. La menace de la rareté de l’énergie, dans le futur proche, révolutionne le monde entier et lui impose une révision structurelle de son mode de fonctionnement. Les métiers qui peuvent avoir du succès dans l’avenir sont, à mon avis, tous ceux en rapport avec le respect de l’environnement, les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique. Le support n’est pas à négliger non plus.
Nous assistons, aujourd’hui, à une grande demande des métiers en relation avec l’informatique : systèmes d’information, environnement Web, design, etc., car les nouvelles règles du jeu imposeraient un nouveau mode de communication et de gestion. L’architecture est également un métier d’avenir dans ce secteur. Déjà aujourd’hui, le nombre des architectes est insuffisant et ne couvre pas toute la demande. En clair, et dans une approche purement maroco-marocaine, le BTP manque pratiquement de toutes les compétences indispensables à la gestion de projets de bâtiment, toutes catégories confondues.
Quelles branches conseillez-vous aux jeunes bacheliers pour percer dans ce domaine ?
Les jeunes bacheliers sont frileux quant à ce domaine. Les filières du Bâtiments ne connaissent pas le succès espéré, probablement par crainte de faire carrière dans un secteur désorganisé, caractérisé par l’informel et exposé à plusieurs risques graves sans protection aucune. Ce sont ces idées-là qui circulent dans les milieux des formations professionnelles. Le secteur doit améliorer son image de marque pour pouvoir communiquer positivement et intéresser les jeunes qui souhaiteraient faire carrière et apporter leur contribution à un secteur en plein essor.
Pour les jeunes qui seraient intéressés par la formation professionnelle, quelle que soit la branche ou la filière choisie, car il y a un besoin dans toutes les spécialités, je leur conseille de bien approfondir leur savoir, leur connaissance et de ne pas se contenter de réussir l’examen qui permet d’octroyer un diplôme.
La formation initiale, quand elle est bien maîtrisée, peut ouvrir bien des portes ! Pour ceux qui comptent allez plus loin dans leurs études, au niveau de la maîtrise ou du cycle d’ingénieur, je leur conseille de faire un travail sur eux-mêmes, de bien travailler leur personnalité, leur communication professionnelle, en un mot de ne pas négliger le «savoir-être» qui reste déterminant dans la carrière des futurs gestionnaires.
Qu’en est-il de l’expérience VAE (Validation des acquis de l’expérience) dans ce secteur ?
Au Maroc, c’est une nouvelle démarche à l’état embryonnaire qui fonctionne, aujourd’hui, entre le département de la Formation professionnelle et les Fédérations. D’ailleurs, la FNBTP est la première à l’avoir appliquée. Nous sommes à la 4e promotion cette année, sur la base de 17 métiers sélectionnés, faisant partie des métiers clefs du secteur BTP. Les fiches des métiers, les référentiels de diplômes et les ressources en bases de données sont en cours de préparation pour couvrir tous les métiers de notre secteur.
Quelle évolution de carrière offrent les entreprises du secteur ?
Souvent, la carrière se trouve entre les mains des salariés, mais pour prétendre à une bonne carrière professionnelle et la développer, le salarié doit faire preuve de stabilité dans l’emploi, pour qu’il puisse capitaliser sur son expérience. Le secteur du BTP offre évidemment un bel avenir dans notre pays. Il n’y a qu’à voir le nombre étonnant de projets en cours dans pratiquement toutes les villes du Royaume.
Par Nadia DREF | LE MATIN